REISO – Revue d’information sociale
+ Appel à contributions : nouveau dossier thématique 2025 consacré à la solidarité et aux liens sociaux
«Valoriser les métiers du social reste un chantier inachevé»
La HETSL fête cette année ses 60 ans. Créée par Claude Pahud, l’ex-EESP a été le témoin des changements sociaux qu’elle s’est toujours efforcée d’accompagner à travers la formation. Grand entretien avec son directeur Alessandro Pelizzari.
Propos recueillis par Céline Rochat
Extraits :
Cette année 2024 marque 60 ans d’existence pour votre école. Un fil rouge émerge-t-il de ces six décennies d’enseignement de travail social ?
Depuis la création de l’école, la constante a été de penser la formation en travail social non seulement comme la transmission d’un ensemble de compétences et d’outils, mais aussi en termes de soutien à la professionnalisation des métiers du social. Claude Pahud, son fondateur, avait compris que le développement économique de l’époque générait aussi des problèmes sociaux, dont la complexité nécessitait l’engagement de professionnel·les formé·es au niveau tertiaire. Pour lui, cette reconnaissance devait aussi se traduire par une meilleure valorisation sociale et salariale, ce qui l’a conduit à proposer la première Convention collective de travail, laquelle fût signée par les partenaires du secteur social vaudois. Soixante ans plus tard, on doit constater que ce chantier n’est pas encore terminé, que la reconnaissance des métiers du social reste insuffisante, ce qui explique en partie la pénurie de personnel qualifié que nous connaissons aujourd’hui. Dans cette continuité, la HETSL œuvre avec les autorités et les partenaires sociaux, pour améliorer à la fois les conditions de formation et d’exercice des métiers du social.
Et en matière de changements ?
Comme la société, le travail social évolue constamment. Les problèmes sociaux et les formes de vulnérabilité changent, ainsi que les besoins des bénéficiaires. Nous sommes en échange permanent avec les institutions et organisations de terrain qui nous font remonter les défis auxquels elles sont confrontées, notamment grâce à notre Conseil professionnel et nos commissions d’études, et nous développons une importante activité de recherche pour mieux comprendre et anticiper les problèmes sociaux actuels. L’un de nos rôles est donc d’articuler ces différentes lectures du monde social et de les intégrer à notre réflexion constante sur l’adaptation du cursus et de son contenu. En parallèle, pour répondre à la pénurie de professionnel·les qualifié·es en travail social, les quatre Hautes écoles de travail social romandes s’engagent à augmenter leurs effectifs. Pour la HETSL, cela signifie, d’ici à 2028, de passer de 600 à 900 étudiant·es, ce qui est une évolution assez extraordinaire.
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La HETSL se place plus particulièrement sur des terrains tels que la précarité, la vieillesse, le genre, les occupations, le marché du travail et les troubles neurodéveloppementaux. Démultiplier ces réseaux thématiques constitue-t-il un objectif à court terme ?
Nous essayons effectivement de concentrer nos champs d’expertise autour de réseaux de compétences qui positionnent l’école sur des thématiques spécifiques. Mais nous n’avons pas l’ambition de nous positionner sur l’ensemble des expertises relatives au champ social, car j’estime qu’il s’agit surtout d’apprendre à travailler davantage en réseau et en bonne intelligence avec les autres HETS. Ainsi, si l’on est sollicité pour une recherche thématique située hors de notre expertise, il vaut mieux recommander de se tourner vers la HETS romande qui dispose de connaissances spécifiques. Les quatre HETS renforcent cette complémentarité, même si le système de financement de la recherche nous pousse malheureusement aussi à la concurrence. C’est à nous de nous montrer plus intelligents et d’essayer de mutualiser nos expertises.
« Nous pouvons effectivement mettre à disposition divers accompagnements, mais nous ne pouvons pas nous substituer à d’autres institutions ni agir sur les causes de ces vulnérabilités »
Si les défis auxquels font face les bénéficiaires du travail social ont évolué avec la société, qu’en est-il du corps étudiant : les besoins des jeunes qui rejoignent la HETSL ont-ils évolué en parallèle ?
Ce que je constate depuis mon arrivée il y a quatre ans, c’est que les étudiant·es se montrent extrêmement sensibles aux questions d’inclusion et de diversité. Cette sensibilité nous force à réfléchir à l’articulation des questions d’inégalités sociales « classiques » avec d’autres types de discrimination. En même temps, on se trouve face à une génération fragilisée, sous deux points de vue. D’un côté, la pandémie a renforcé les situations de précarité parfois dramatiques dans lesquelles se trouvent des élèves. Cela nous pousse à renforcer l’accompagnement social et économique de nos étudiant·es. De l’autre, nous constatons une situation de santé préoccupante des jeunes. Une enquête interne sur l’état de santé et le bien-être social de nos étudiant·es confirme la même tendance à une fragilisation psychologique que l’on retrouve dans les statistiques nationales. Les soucis que rencontrent nos élèves en dehors de l’école ont des conséquences sur la capacité à suivre les études. Là aussi, nous essayons de développer des mesures internes et des collaborations avec des partenaires externes pour proposer du soutien.
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Appel à contributions : Solidarité et liens sociaux, sujet 2025 du dossier de REISO
Appel à contributions : le dossier thématique annuel de la revue se propose d’explorer, entre janvier et décembre 2025, les projets récents, recherches et initiatives vouées à renforcer solidarité et lien social en Suisse romande.
Modalités pratiques :
Les articles du dossier annuel de REISO « Solidarité et liens sociaux » sont publiés de janvier à décembre 2025. La revue est particulièrement intéressée par des articles qui :
- présentent des projets concrets et innovants en matière de solidarité(s) et de liens sociaux ;
- analysent les politiques publiques et les pratiques professionnelles en lien avec ces enjeux ;
- proposent des réflexions théoriques sur la solidarité et les liens sociaux ;
- témoignent d’expériences de terrain.