REISO – Revue d’information sociale

Lorsque l’essentiel prend le pas sur l’important

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Lorsque l’essentiel prend le pas sur l’important

À Genève, une travailleuse sociale intervient au chevet de jeunes fragilisé·e·s ou en rupture. Ou comment entrer dans un espace d’intimité qui offre la possibilité au bénéficiaire d’apercevoir la lumière du dehors.

Par Sylvie Perez Rudaz, travailleuse sociale, Fondation officielle de la jeunesse, Petit-Lancy Genève

 

Extraits :

Intervenir au chevet pour donner l’impulsion nécessaire à une mise en mouvement : destinée à des jeunes qui se réfugient dans le repli et montrent une incapacité manifeste à se mobiliser, cette prestation alternative aux accompagnements courants s’inscrit hors des schémas éducatifs conventionnels.

L’intervention au chevet consiste, pour une intervenante sociale, à se rendre auprès des jeunes lorsqu’ils et elles se trouvent encore dans leur lit. L’objectif est de les solliciter très progressivement, tout en leur offrant un espace d’écoute et d’accueil inconditionnel propice à la relation thérapeutique (relation axée sur le soin éducatif). Cette mesure représente l’une des particularités mise en œuvre au sein de trois foyers éducatifs rattachés à la Fondation officielle de la jeunesse à Genève et s’inscrit dans leur projet socio-éducatif respectif.

 

Réveiller l’élan

Maillon manquant entre le dedans et le dehors, entre vie intime et vie sociale, l’ensemble de ce dispositif d’accueil de jour — dans lequel s’inscrit donc l’intervention au chevet — sert le projet d’insertion socioprofessionnelle. En parallèle, il cherche le développement et l’épanouissement psychoaffectif et social des jeunes. Menées dans ces espaces dits « transitionnels » que sont l’Îlot et l’Atelier, les interventions poursuivent, conjointement et en alternance, un travail tourné autour de deux axes. Le premier vise une intégration progressive vers l’extérieur, au moyen d’outils de planification et de projection (démarches organisationnelles diverses et réalisations de dossiers de candidature). Le second consiste en un traitement des émotions, grâce à des dispositifs art thérapeutiques et à des supports culturels (expression narrative, graphique, littéraire, vocale).

 

Remettre du vivant dans l’inerte

Dans ces deux espaces, une intervenante sociale — la même qui se rend au chevet — endosse un rôle distinct, en marge des équipes. Elle contribue à créer une relation sécurisante et propice à l’échange, car dépourvue de la charge du quotidien. Dès lors, une fois cette personne identifiée par les jeunes appelé·e·s à être accompagné·e·s dans ce dispositif, elles et ils lui accordent volontiers leur confiance et adhèrent beaucoup plus aisément au suivi. Établir la rencontre par petites touches et impulsions constitue le prérequis au processus qui sera ensuite mis à l’œuvre.

 

Entre structuration et improvisation

Doser et oser la parole, doser et oser les contraintes, doser et oser les injonctions à penser. Doser et oser pour tisser l’étoffe d’un maillage relationnel subtil et prometteur, telle est la mission de ces espaces inédits. Sans brusquer, mais avec rigueur, l’intervention vise à faire migrer les pensées négatives vers des émotions positives. Elle invite également à mettre « sur la table » ce qui est « sous le tapis » et à interroger ces aspects pour rompre avec le mutisme ou le déni. Cela contribue à franchir les étapes, pas après pas. L’action oscille donc entre proposition d’un programme structurant et improvisation.

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