Animation socioculturelle: comment évaluer ?

REISO – Revue d’information sociale

 

Comment évaluer les pratiques d’un centre d’animation socioculturelle, particulièrement lorsque celui-ci vit une période houleuse ? Une recherche analyse les attentes parfois fort opposées des professionnel·le·s et des jeunes.

Par Franco De Guglielmo, animateur socioculturel, Fondation pour l’Animation socioculturelle Lausannoise, et chargé de cours, Université de Neuchâtel

Animation socioculturelle: comment évaluer ?

 

Extraits :

En animation socioculturelle, les pratiques d’évaluation portées de façon autonome par les jeunes se trouvent souvent négligées. Une étude doctorale sur les accueils libres d’un centre socioculturel lausannois se propose de les faire émerger dans leurs imbrications dynamiques avec les outils participatifs proposés par les professionnel·le·s.

L’animation socioculturelle auprès des jeunes générations exprime une constante. Pour chaque projet, les différents groupes d’acteurs et actrices impliqué·e·s disposent de leur propre vision, attentes et buts. Au cours de l’avancement du projet, et en l’absence d’espaces d’expression et de synthèse de ces partialités, s’installent frustrations, incompréhensions ou conflits entre jeunes et professionnel·le·s. Bien entendu, le spectre des personnes concernées comprend également parents, bénévoles, personnel politique, fonctionnaires publiques, structures de financement et d’autres encore.

 

Questionner les modalités d’évaluation

L’étude a été réalisée au centre socioculturel de Prélaz-Valency, une structure d’animation socioculturelle située entre deux secteurs à l’ouest de la ville de Lausanne. Au cours des années, le centre socioculturel a connu de fortes tensions entre les jeunes qui le fréquentent et les professionnel·le·s qui y interviennent. Ces tensions reproduisent à l’intérieur du lieu des fractures marquant déjà l’espace urbain environnant. Elles explosent en particulier durant les accueils libres, mettant à mal les règles, l’organisation et la conception de cette activité. S’ensuivent des fermetures plus ou moins prolongées, des plaintes pénales, des burn-outs, ainsi que des questionnements identitaires sur la profession.

L’accueil libre constitue un espace de socialisation intermédiaire entre la rue et d’autres agences de socialisation. Dans le contexte du dispositif d’animation socioculturelle jeunesse à Prélaz-Valency, il se manifeste comme le maillon faible, s’imposant dès lors comme situation d’analyse de l’étude. Les deux questions initiales de recherche connectent alors le déroulement périodique de l’activité, la thématique de l’évaluation participative en animation socioculturelle jeunesse et les apports théoriques cités ci-dessus.

 

Analyser la participation des jeunes

Du croisement des données récoltées émergent quatre principaux aspects. Tout d’abord, les jeunes qui fréquentent le centre et plus spécifiquement ses accueils libres habitent en grande majorité au sein d’un complexe résidentiel appelé Les Jardins de Prélaz. La population vivant sur ce site à haute densité comprend principalement des familles d’origine étrangère, issues de la classe dite populaire et parfois soutenues par des aides publiques.

Privés d’espaces de socialisation répondants aux besoins exprimés par ses habitant·e·s, les Jardins de Prélaz se trouvent concernés par un fort malaise juvénile. Celui-ci s’exprime par une précarisation, de la vulnérabilité, une rupture des liens intergénérationnels ou encore la banalisation de la violence. Les jeunes participant à l’étude se ressemblent dans les ruelles agitées de cette « zone sensible », devant le supermarché, sous les porches et dans les caves des immeubles. Là, ils construisent les trajectoires de leurs identités personnelles et collectives.

 

Formuler de nouvelles questions en lien avec le terrain

Les avancées du travail de recherche de terrain, ainsi que les processus d’analyse et compréhension des données récoltées, bousculent en partie les deux questions de recherche fixées initialement au sujet des modalités d’évaluation, ainsi que des conditions sociales permettant la présence des jeunes à ces processus. Ces problématiques se révèlent issues de la culture professionnelle et réflexive de l’équipe d’animation et s’inscrivent dans un sens de la participation qui n’arrive pas à légitimer celui pratiqué par les jeunes.

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